Responsabilité civile des foyers et de l'Etat

Publié le par Justicedesmineurs

      Guide de la protection judiciaire de l'enfant     Mise à jour

     Chapitre 14     Pages 449 et suivantes





 


  En droit, les parents sont civilement responsables des dommages causés par leurs enfants mineurs (c'est à dire qu'ils doivent indemniser les victimes), en application du quatrième alinéa de l'article 1384 du code civil.

  Quand un mineur est confié à un service d'accueil par un juge des enfants (en assistance éducative ou au pénal) ou par le tribunal pour enfants (au pénal), les parents cessent d'être civilement responsables.

   Les juridictions judiciaires et administratives ont progressivement précisé les circonstances et conditions dans lesquelles les services d'accueil et/ou l'Etat qui hébergent des mineurs  dans un cadre judiciaire sont civilement responsables (cf. les développements complets dans le Guide).

  Une récente décision du Conseil d'Etat, en date du 17 mars 2010, apporte une indication complémentaire.

  Les faits sont les suivants : un foyer privé (une association) héberge trois mineurs qui ont, ensemble, causé des vols et des dégradations à des tiers. Deux de ces mineurs lui sont confiés en assistance éducative (l'un directement, l'autre étant confié à l'Aide sociale à l'enfance organe du département), le troisième en application de l'ordonnance de 1945 donc dans un cadre pénal.
 

   Le département (l'ASE) à qui l'un des mineurs est confié (de fait son assureur) verse à  des victimes la totalité des dommages-intérêts fixés par le tribunal pour enfants, puis se retourne contre le foyer (de fait son assureur) pour obtenir le remboursement de 2/3 de la somme versés.

  Le foyer verse cette somme puis se retourne vers l'Etat (le ministère de la justice) pour obtenir le remboursement de ce qui a été versé au département.

  Dans un premier temps le tribunal administratif fait intégralement droit à la demande.

  Sur recours, le Conseil d'Etat, après avoir rappelé les principes de responsabilité civile des services d'accueil publics ou privés dans un cadre civil ou pénal, apporte les précisions suivantes quant à la répartition de la charge des paiements entre foyer et Etat :

  "Lorsque l'un des coauteurs d'un dommage a indemnisé intégralement la victime des préjudices qu'elle a subis, il ne peut, par la voie de l'action subrogatoire, se retourner contre un autre coauteur que dans la limite de la responsabilité encourue individuellement par ce dernier. (..)
  Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Toulouse, saisi, ainsi qu'il a été dit, par l'assureur du foyer ITEF l'Essor, qui avait pris en charge l'indemnisation des dommages causés par les deux mineurs dont les agissements engageaient sa responsabilité, même sans faute, au titre, respectivement, des articles 375 et suivants du code civil et de l'ordonnance du 2 février 1945, d'une action subrogatoire contre l'Etat, dont la responsabilité pour risque était susceptible d'être engagée à raison des agissements de celui de ces deux mineurs relevant de l'ordonnance du 2 février 1945, a condamné l'Etat à rembourser au demandeur l'intégralité de la dette dont il s'était acquittée ; qu'en mettant ainsi à la charge de l'Etat l'intégralité de cette somme au seul motif que sa responsabilité sans faute était engagée pour l'un des deux mineurs à l'origine des faits, alors qu'il lui appartenait de rechercher, au vu des circonstances de l'espèce, quelle était la part respective des deux mineurs coauteurs dans la réalisation du dommage afin de déterminer la somme due par l'Etat, le tribunal administratif a commis une erreur de droit."

  Puis, statuant au fond, il conclut que :

  "Il résulte de l'instruction que les dommages dont la MAIF, assureur du foyer ITEF l'Essor, a pris l'indemnisation en charge trouvent leur origine, à parts égales, dans les agissements des deux mineurs placés auprès du foyer sur le fondement respectif des articles 375 et suivants du code civil et de l'ordonnance du 2 février 1945 ; que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée pour les agissements du premier mineur, l'ITEF ne relevant pas de la responsabilité de l'Etat ; que la mise en oeuvre du régime de liberté surveillée prévu par l'ordonnance du 2 février 1945 est la cause directe et certaine des dommages causés par le second mineur ; que dans ces circonstances, et en l'absence de toute faute commise par le foyer ITEF l'Essor, il y a lieu de condamner l'Etat, au titre de l'action en garantie intentée par la MAIF, à payer à cet assureur une somme de 2 261,89 euros, correspondant à la moitié de l'indemnité versée à la compagnie AXA au titre des agissements des deux mineurs."

  En clair, l'Etat n'engage sa responsabilité que pour le mineur confié au titre de l'ordonnance de 1945, ce qui ne surprend pas.

  Ce qui par contre étonne un peu plus c'est l'obligation, selon le Conseil d'Etat, de rechercher "la part respective des deux mineurs coauteurs dans la réalisation du dommage". En effet, en droit pénal sont co-auteurs ceux qui ont tous commis les éléments matériels d'une infraction (à la différence du complice).

  Dès lors il est difficile de saisir comment, en matière de responsabilité civile, ils engagent leur responsabilité autrement qu'à "parts égales" comme le retient finalement le Conseil d'Etat...


 
 

Publié dans responsabilité civile

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article