Le devenir des mineurs incarcérés

Publié le par Michel Huyette

Par Pierre Tournier



Devenir judiciaire des mineurs incarcérés
 Retour sur une enquête déjà ancienne mais non répliquée à ce jour
 
 
par Pierre V. Tournier (1)
 
 
   Il s’agissait d’une recherche, achevée au début des années 1990, reposant sur l’observation suivie d’une cohorte de mineurs mis en détention en février 1983 (environ 500 dossiers). Nous nous sommes intéressés aux affaires postérieures à la libération et sanctionnées par une condamnation inscrite au casier judiciaire avant le 1er juillet 1988. 98 % des mineurs étaient restés moins d’un an en détention. Cela donne un délai entre la libération et la date d’examen du casier de l’ordre de cinq ans.
 
   Une démarche en deux temps a été utilisée : on se pose, tout d'abord, la question de l'existence d'une nouvelle affaire sanctionnée par une condamnation sans restriction sur la nature de la peine ou le mode de jugement. Dans l'affirmative, on étudie les caractéristiques de la condamnation relative à la première affaire nouvelle. Ensuite, on se limite aux condamnations à l'emprisonnement ferme (avec ou sans sursis partiel) ayant un caractère définitif et l'on analyse les caractéristiques de la première affaire sanctionnée de cette façon.
 
Ensemble des affaires nouvelles
 
77 % des mineurs libérés ont été impliqués dans une nouvelle affaire, sanctionnée par une condamnation, sur une période d'environ cinq ans après la libération. L’expression « taux de récidive » serait tout à fait inappropriée puisqu’une proportion non négligeable de détenus suivis n’ont pas été condamnés dans l’affaire qui avait motivé leur incarcération en 1983. Par ailleurs, on n’utilise pas ici le critère de récidive légale.
 
   Le taux de nouvelle condamnation varie de façon importante selon l'infraction initiale : 57 % pour les crimes, 66 % pour les délits contre les personnes, 80 % pour les vols. Mais les variables les plus discriminantes se réfèrent aux condamnations antérieures. S’il existe une condamnation antérieure, le taux est de 91 % (contre 63 % sinon), il atteint 97 % lorsqu'il existe une condamnation antérieure à l'emprisonnement ferme (contre 73 % sinon).
 
Il s'écoule, en moyenne, neuf mois entre la libération et la nouvelle infraction, la distribution des durées étant très concentrée sur les premiers mois : 40 % des infractions sont commises dans un délai de moins de trois mois. Les nouvelles condamnations sont, en moyenne, prononcées onze mois après la commission des faits, le délai étant compris entre six et dix-huit mois dans 50 % des cas.
 
Affaires nouvelles sanctionnées par l'emprisonnement
 
60 % des mineurs libérés ont été de nouveau impliqués dans une affaire sanctionnée par une condamnation définitive à l'emprisonnement ferme, sur une période de cinq ans après la libération. Les variations observées précédemment sur les taux globaux (sans restriction sur la nature de la peine) se retrouvent ici. Mais l'effet des condamnations antérieures à l'écrou de février 1983 est encore plus marqué : s'il existe une condamnation antérieure, le taux est de 78 % (contre 43 % sinon), il est supérieur à 92 % lorsqu'il existe une condamnation antérieure à l'emprisonnement ferme (contre 54 % sinon).
 
 
 
Ainsi un mineur, une 1ère fois condamné à une peine d’emprisonnement ferme, et mis en détention dans une nouvelle affaire, sera, dans plus de 9 cas sur 10, impliqué dans les 5 ans qui suivront sa libération, dans une nouvelle affaire pour laquelle il sera de nouveau condamné à une peine d’emprisonnement ferme.
 
 
 
 
   De tels chiffres mériteraient d’être actualisés. Ils invitent à mettre sérieusement en doute le caractère dissuasif de la peine de prison aussi bien que son efficacité en matière d’insertion ou de réinsertion des mineurs, du moins pour le plus grand nombre.
 
 
Paris, le 11 juin 2007
 
 
Références bibliographiques
 
Tournier P.V., La détention des mineurs, observation suivie d’une cohorte d’entrants, Paris,  Ministère de la Justice,  Etudes & Données pénales, n°62, 1991, 109 pages.
 
Tournier P.V.,La mesure de la récidive en France, La Documentation française, Regards sur l’actualité, 1997, n°229, 15-23.
 

(1)Directeur de recherches au CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle, Université Paris 1. Panthéon Sorbonne, pierre-victor.tournier@wanadoo.fr
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