Les jeux olympiques et les droits des enfants

Publié le par Justicedesmineurs

Par Michel Huyette


A l'occasion des jeux olympiques chinois, les medias se sont longuement interrogés sur la réalité des droits de l'homme dans la province du Tibet. Rassurez-vous, comme sur ce blog nous n'avons pas pour ambition de vous dire ce qu'il faut penser sur tout, nous en resterons dans notre domaine de compétence, le droit. Pourquoi un tel questionnement, parce que entre les belles images sur les compétitions et les remises de médailles, les gros plans attendrissants sur les sourires des gagnants, se sont intercalées presque subrepticement d'autres images qui nous ont fait un instant apercevoir une toute autre réalité.

Une chaîne publique nous a montré l'entraînement des enfants. Observés en masse dès leur plus jeune âge, entraînés à partir de trois ans, les enfants sélectionnés sont contraints de faire du sport plusieurs heures par jour jusqu'à ce que, devenus des pré-adolescents, ils y consacrent tout leur temps soit 7 heures par jour, les autorités affirmant avec un humour certain qu'il s'agit de sections sport-études, les études étant sans doute organisées la nuit. On y a vu aussi un médecin chinois expliquer sans la moindre gêne que les jeunes filles (il s'agissait des plongeuses) sont en grande partie privées d'alimentation avant qu'elles atteignent la puberté ceci pour freiner leur développement physique, en clair qu'elles restent aussi maigres que possible. Il est vrai que la différence de stature entre les plongeuses chinoises et les européennes est plus que surprenante, les premières semblant des modèles réduits des secondes. Enfin, le reportage nous a montré des sportives devenues adultes avec certaines parties du corps déformées par un entraînement intensif, marginalisées socialement et économiquement, contraintes de vendre leurs médailles sur les marchés pour survivre. Il nous a été expliqué en conclusion que le but de toutes ces années est de présenter les jeunes athlètes une seule fois aux jeux olympiques, d'obtenir des médailles d'or, les responsables les remplaçant dès les jeux suivants par d'autres jeunes censés être déjà plus performants.

Résumons la situation : un arrachement contraint à la famille dès les premières années de la vie, une enfance et une adolescence uniquement consacrés au sport sans aucune préparation intellectuelle à un quelconque métier, des corps modelés et déformés en connaissance de cause, puis un abandon et un retour à la solitude une fois les plus hautes marches des podiums atteintes.

Traduisons maintenant la situation en termes juridiques.

En 1992 la Chine a adhéré à la convention internationale sur les droits de l'enfant, élaborée à l'ONU en 1989. L'article 2 indique que « Les États parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction », l'article 3 que « Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être », l'article 19 que « Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toutes formes de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié », l'article 24 que « Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible » et que « Les Etats parties prennent toutes les mesures efficaces appropriées en vue d'abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants », l'article 28 que « Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation », l'article 31 que « Les États parties reconnaissent à l'enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge, et de participer librement à la vie culturelle et artistique », enfin l'article 36 que « Les Etats parties protègent l'enfant contre toutes autres formes d'exploitation préjudiciables à tout aspect de son bien-être ».

Faut-il pousser l'analyse plus loin et se demander si en Chine les droits des enfants sélectionnés pour devenir des athlètes de haut niveau sont respectés ? La réponse négative est tellement évidente que nous n'en dirons pas plus.

Mais la raison d'être de cet article n'est pas véritablement là. Car ce qui surprend alors que cette réalité est manifestement connue de tous, et ce qui apparaît encore plus insupportable, c'est le silence total des responsables du sport et de la politique. Les membres du comité international olympique sont forcément au courant de ces pratiques, comme le sont tous les responsables politiques des pays démocratiques. On pourrait alors s'attendre à la montée de réprobations venant de tous les coins de la planète. Nous n'avons eu droit qu'au silence absolu.

Il faut croire que ces enfants n'intéressent personne. L'application de la convention internationale rappelant leurs droits non plus. Le spectacle et les enjeux de ces olympiades relèguent probablement leurs parcours chaotiques au rang d'épiphénomènes négligeables.

C'est la médaille d'or de la honte qui devrait nous est attribuée.

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